La fermer ou la ramener ?

Premier dimanche du confinement, la rocade de Bordeaux quasiment vide, 22 mars 2020.

Crise sanitaire, crise économique. Je ne reviens pas sur la confusion entre gestion de la crise et communication de crise à laquelle nous assistons quotidiennement. Je m’en tiens à me poser une question technique, celle que se posent beaucoup de praticiens de la communication, celle que se posent les responsables territoriaux et les responsables économiques avec lesquels j’échange ces jours-ci. Faut-il communiquer en période de fortes turbulences comme celles que nous traversons ? 

Certes, la tentation est grande de faire le dos rond en attendant que ça se passe. Marcel Bleustein-Blanchet, le fondateur de l’agence Publicis, avait une formule à ce sujet. Il disait : “Les firmes ou les marques qui commettent l’erreur de se laisser oublier quand tout va mal en seront durement pénalisées quand tout ira bien de nouveau.” Le moment de sidération étant passé, oui il faut renouer le fil du dialogue avec ses parties prenantes.

Ramener la confiance est naturellement la première urgence. Confiance en soi, confiance en nous, confiance entre nous ; nous partons de loin car la situation était déjà critique comme le baromètre annuel du Cevipof nous le montrait.

Personne ne refuse à la communication le droit de chercher à convaincre – au service d’une entreprise, d’un projet, d’une idée. Mais peut-être faut-il qu’elle renoue avec ce qu’elle est sensée être : pas une simple mise en forme de messages, mais une démarche complexe qui se fonde sur l’écoute, qui s’exprime dans un registre et des formes légitimes et qui s’efforce d’évaluer son propre impact.

Certes nous saurons être audibles puisque nous en avons les moyens à travers les multiples canaux qui s’offrent à nous. Mais saurons nous être entendus ? Au-delà du classique vu, lu, plu, serons nous tout simplement crus ? Pour cela à mon avis deux nécessités : d’abord s’exprimer avec sincérité et dans son propre domaine ; ensuite, (dé)montrer qu’on est dans l’action, dans la tenue des engagements, dans la réponse. Et bien sûr s’interdire de donner des leçons, oublier la tendance à se draper de plumes du paon et éviter les à-peu-près, les rodomontades, l’amalgame, la mauvaise foi ou l’exposition de bonne conscience. Faisons vivre réellement les mots qui nous tiennent lieu de mantra – la bienveillance, l’agilité, l’inclusion -. Cela n’est en rien incompatible, au contraire, avec la créativité et l’inventivité.

PS. Après ces beaux propos, j’avais prévu de conclure en quelques lignes en faisant subtilement le lien avec une agence de communication qui a fait de la posture décrite ci-dessus une doxa, bref d’en faire la pub sous de beaux oripeaux moraux. Me relisant je m’aperçois que cela va exactement à l’inverse ce que j’essaye d’expliquer. J’ai donc supprimé ce paragraphe.

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