Communication pour le développement durable : de quoi parle-t-on ?

Dans un monde d’hypercommunication, le métier de communicant est, par nature, au croisement de multiples enjeux. A l’heure où la publicité et l’internet régissent nos vies, ces enjeux deviennent parfois contradictoires lorsqu’on veut promouvoir un modèle de développement soutenable qui induit, qu’on le souhaite ou non, une certaine sobriété, voire selon certains la préparation d’une décroissance.

Alors, oui, il est quand même rassurant de voir les hommes et femmes de marketing et de communication, mais aussi des universitaires et des journalistes, s’interroger sur la « communication pour le développement durable » comme ils l’ont fait les 23 et 24 août derniers à Bordeaux dans l’université du même nom. C’était la 10e édition de ce rendez-vous créé par ACIDD (http://www.acidd.com/) dans les collines du Lubéron.

Au-delà des échanges, des débats, de l’élévation intellectuelle qu’apporte ce genre de manifestation, j’y vois pour ma part, en tant que praticien, en tant qu’animateur d’associations professionnels et aussi en tant que citoyen, l’occasion de clarifier un peu les choses. Ces mots « communication pour le développement durable » qui promettent tant, recouvrent en fait trois niveaux d’actions, imbriqués certes, mais très différents : les pratiques professionnelles ; la valorisation d’actions ou produits estampillés – à tort ou à raison – développement durable ; enfin, la communication et le débat d’idées pour faire avancer la cause même d’un développement soutenable.

Les pratiques professionnelles relèvent de ce que l’on peut appeler la « communication responsable », plus respectueuse des principes du développement durable, en particulier de son volet environnemental. Sur ce plan, les choses ont réellement bougé depuis une dizaine d’années, notamment sous l’impulsion de ACIDD et de son université d’été. Cette action a été relayée fortement dans quelques association professionnelles ; citons notamment l’APACOM (association des professionnels aquitains de la communication http://www.apacom-aquitaine.com) dont la démarche « com’avenir » remonte à 2003. Concrètement, parmi les domaines qui ont le plus progressé ces dernières années, citons ceux de la filière papier-imprimerie (labels PEFC et FSC) et de l’événementiel (prise en compte de l’impact environnemental des opérations). Sur un autre pilier du développement durable, le social, on peut noter qu’un volet « participation » est de plus en plus systématiquement intégré aux politiques de communication publique; c’est un indéniable progrès. Ce premier niveau, celui des pratiques, est assez aisément évaluable, quantifiable, appréciable.

Le deuxième niveau d’action, c’est la mise en œuvre d’opérations, campagnes, outils, supports, etc. pour valoriser des produits ou démarches qui relève(rai)ent du développement durable. C’est l’accompagnement du tri sélectif ou la promotion des transports en commun du côté des collectivités, c’est le lancement d’un produit ou une campagne d’image institutionnelle du côté des entreprises. La palette d’expressions de cette communication est large, elle va des « rapports  annuels développement durable » aux publicités. Il y a eu en la matière un réel effet de mode qui a conduit certains jusqu’à franchir les limites de l’écoblanchiment (greenwashing en bon français). Quelques garde-fous ont été instaurés, par l’ARPP et l’ADEME notamment pour ce qui concerne la publicité ; ils peuvent et doivent être renforcés pour éviter les messages trompeurs qui fragilisent l’ensemble du discours (si tout est vert, plus rien ne l’est). Ces excès existent, mais le contraire est vrai également, à savoir des collectivités et annonceurs qui valorisent leurs actions « vertueuses » avec des démarches « à l’ancienne ». Les professionnels de la communication, pourtant éclatés dans une multitude de microstructures, ont fait l’effort de créer un référentiel iso26000 « métiers de la communication » (http://www.communication-responsable.fr/la-norme-iso-26000-appliquee-aux-metiers-de-la-communication) ; l’appel à des agences ayant mené cet examen interne de leurs pratiques devrait être un must pour les annonceurs qui eux-mêmes se réclament du développement durable. Et ne pensons pas que la profession y conduira (après tout, quel système est-il capable de s’autoréguler ?). Il y faudra une intervention extérieure, incitative ou réglementaire.

Enfin, la communication est également mobilisée, sollicitée, invoquée, pour contribuer à faire bouger les lignes et ouvrir la voie d’un développement réellement soutenable, étant entendu que sa définition même ainsi que les voies et moyens pour y parvenir prêtent à débat. Les formidables films de ces dernières années de Al Gore à Yann Arthus-Bertrand, les interpellations de Jean-Marie Pelt ou de Jean-Marc Jancovici, les émissions de Denis Cheyssoux ou de Nicolas Hulot, les sites internet et les blogs… mais aussi un chœur de milliers de chanteurs anonymes constitué de ces multiples campagnes prosaïques dans nos territoires pour le vélo, contre les désherbants, pour fermer le robinet, pour trier ses déchets, contre les sacs en plastique, pour les amap… ont fini par marquer les esprits ; ils ont aussi contribué à cet impression qu’il s’agissait d’un effet de com’, d’un effet de mode, d’un discours pour bobos. C’était une des questions lancinantes qui transparaissaient des les échanges de cette 10e université d’été, surtout de la part de ceux qui en avaient « fait » plusieurs, l’impression qu’au-delà des mots, du plaisir de se retrouver, les choses finalement bougent assez peu, voire même qu’elles ont reculé sur certains plans face à la crise et aux difficultés du quotidien. Les études comme « l’observatoire de la communication responsable » démontrent l’inverse, c’est rassurant. Certes l’écume a été balayée, mais le travail de fond demeure : la prise de conscience de l’épuisement des ressources et du bouleversement climatique est faite et c’est un acquis de la communication avec les opérations médiatiques évoquées plus haut mais aussi des actions de fond comme les sommets internationaux (pourtant si décevants) ou les publications du Giec (et pour « vendre » ça, chapeau) jusqu’aux agendas21 dans les territoires (pas facile non plus). Même cachés derrière notre petit doigt, nous savons que nous allons devoir changer nos comportements et habitudes, mais cela, la communication ne suffira pas l’accomplir.

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