L’abus d’anglais dans la pub nuit gravement à la santé

Avez-vous vu proliférer ces french days, french art de vivre, french tech, french touch … ? S’ils sont french pourquoi ne pas nous le dire en français ? À choisir, je serais plutôt Slip français que french days ! Plutôt Origine France Garantie que Made in France ! Plutôt s’envoler en toute élégance qu’unboring the future. Plutôt acheter une voiture qui se proclame très française que celle qui revendique sa french touch. Plutôt penser que le vrai luxe c’est l’espace que transforming spaces. (cf. références ci-dessous)

L’Etat n’est pas le dernier dans cette course à l’échalote.  Non content de la French tech, il nous a gratifié de Choose France, du French Impact, d’un Health data hub. Les territoires ne se laissent pas distancer. Quand le Val de Loire devient Loire Valley[, qui se soucie qu’il y perde beaucoup de son charme y compris et peut-être surtout auprès de nos amis Britanniques ? Qui localement se sent concerné par l’agence de développement économique Rouen Normandy Invest ou par Invest in Bordeaux ? Dans cette dernière ville, le célèbre CEB Congrès et expositions de Bordeaux est d’ailleurs devenu Bordeaux events and more (soit Beam = rayonner, pour les ignares dont j’étais).

Malheureusement, s’il suffisait de le proclamer en anglais pour qu’un slogan banal devienne bon, ça se saurait. Pire, les annonceurs qui achètent des vessies pour des lanternes ne s’en rendent sans doute pas compte – englués qu’ils sont dans le globish prétentieux pratiqué partout dans la gestion et l‘organisation d‘entreprises – mais en adoptant ce jargon excluant, ils s’éloignent de leurs cibles.

En fait, ils oublient l’importance des éléments d’identité dans toute démarche de marque et fantasment des cibles anglophones au détriment de leurs vrais cibles. Cet abus d’anglais nuit gravement à la santé communicationnelle de leurs auteurs.

Au passage, tordons le cou à l’argument des limites du vocabulaire français parfois brandi par quelques cuistres, à faire hurler de rire ou de rage tous ces auteurs qui nous émerveillent de leurs mots. Des bibliothèques entières et des dizaines de sites internet fort vivaces témoignent des beautés, variétés et précisions de la langue française.

Les marques françaises et les territoires français ont, à l’évidence, tout intérêt à exprimer leur identité dans ce qui est l’un de leurs fondements, leur langue. Elles y gagneront de surcroît, ce qui n’est pas accessoire, de respecter la loi. Car il en existe une, datant de 1994, qui rend obligatoire l’usage du français dans la publicité en France ; dont l’auteur est le même Ministère de la Culture qui se fait le promoteur de l’inénarrable campagne du Giving Tuesday.

Article paru par Brief n° 105, février 2023


[1] french art de vivre Roche Bobois 2022, [2] french days événement commercial lancé en 2018 par 6 enseignes du e-commerce[3] s’envoler en toute élégance Air France 2022 [4] unboring the future Peugeot 2022 [5] voiture qui se proclame très française Toyota 2019 [6] french touch Renault 2011 [7] le vrai luxe c’est l’espace Renault 1998 [8] transforming spaces Velux 2022.

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